Compte-rendu de la rencontre Cross-Over IE-Club du 24 octobre 2002 :
Micro et nano-systèmes : quelles opportunités ?

  • Vision d’ensemble : un déficit d’investissement en France – Maurice Khawam (ETF Group) , Président de l’IE-Club

Les micro et nano-systèmes peuvent être appliqués dans des domaines aussi variés que celui des transports, de la médecine, de l’aérospatiale… Pourtant, l’exploitation des opportunités d’investissement dans le secteur est encore balbutiante en Europe, et particulièrement en France : les investissements américains et japonais dépassent de loin ceux des pays européens ; la France est-elle même en retard par rapport à ses voisins européens. Il est donc important de comprendre les opportunités offertes par le secteur.

  • Des « micro aux nano » – Christian Ngô, directeur scientifique, direction de la recherche technologique, CEA

Cette intervention a démontré l’importance du secteur, mais aussi les défis imposés à ses évolutions.

  1. Plusieurs points convainquent de l’enjeu économique sous-jacent au secteur :
  • L’utilisation de puces électroniques dans d’innombrables instruments de la vie quotidienne (véhicules, cartes bancaires, téléviseurs…) ;
  • La réduction des coûts permise par la microélectronique (et à l’origine de son succès) : miniaturisation et traitement collectif sont les vecteurs d’une baisse des prix considérables ;
  • L’apport de nouvelles fonctionnalités et l’accroissement des performances permis par ces dispositifs ;
  • Les promesses des micro systèmes biologiques dans le domaine des analyses biologiques : rapidité, fiabilité, coût et sensibilité des analyses peuvent ainsi être améliorés.
  1. Certains défis se posent néanmoins au développement futur du secteur :
  • Des défis d’ordre financier : des usines au coût croissant et donc un important ticket d’entrée ;
  • Des défis d’ordre technique : la démarche « top-down » semble maîtrisée, mais travailler selon une logique « bottom-up » pose problème (maîtrise délicate de l’autoassemblage des systèmes) ; le passage des basses températures utilisées dans les laboratoires à des températures ordinaires n’est pas évident…
  1. L’alliance de la recherche et de l’industrie est un vecteur de promotion du secteur :

Le mariage de la recherche, de l’enseignement et de l’industrie est une condition au développement réussi du secteur. Cette idée est à l’origine du pôle Minatec : mutualiser les moyens technologiques et les compétences scientifiques sur un tel site permettra de valoriser au mieux l’innovation au niveau industriel.

  • Un exemple de société du secteur : ASK – Bruno Moreau, cofondateur de la société

Cet exposé a fourni un exemple intéressant d’exploitation industrielle des technologies du secteur : Ask développe, fabrique et commercialise des cartes à puce double interface contact/sans contact, cartes à mémoire, tickets papier et lecteurs fixes ou portables sans contact depuis 1997.

La société parie sur l’évolution progressive d’applications avec contact à des applications « sans contact ». Elle s’est déjà imposée sur le marché du transport, et compte s’étendre à d’autres domaines aussi variés que les cartes d’identités, les bibliothèques, ou, à terme, les cartes bancaires.

Cette entreprise de 120 salariés enregistre ainsi un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros et a atteint l’équilibre en 2001.

  • La table-ronde  a réuni des investisseurs attentifs aux évolutions du secteur, des entrepreneurs ambitieux, et des chercheurs conscients des défis du secteur ; animée par Jean Rognetta (Cyberpouvoirs), la table ronde a réuni des acteurs tels que Thierry Touchais (PHS Mems), Pascal Voulton (CDP Capital), Julien Sainte-Catherine (Nanoledge), Gaston Nicolessi (Nanotimes Corp), Pierre Naudin (Intel) et Joêl Flichy (membre executif de l’AFIC).
  1. Investisseurs : distinguer les technologies prometteuses.

Les investisseurs réunis autour de la table évoquent, à propos des nanotechnologies, un « bruit de fond » notable dans leur deal flow. La tendance est marquée pour différents segments de marché, qui apparaissent de façon récurrente dans les projets reçus : nanotubes de carbone, nouveaux matériaux visant à améliorer l’existant (type polymères), mémoires, mélange biotech/électronique…

Il s’agit alors de distinguer parmi les technologies, qu’elles soient disruptives ou qu’elles constituent une prolongation du passé, celles qui rencontreront un véritable marché. Pour certaines, les investisseurs ne perçoivent que des débouchés lointains, avec une répercussion parfois très lente sur les chaînes de production : un avertissement important à intégrer dans les choix de financement des sociétés.

Enfin, une autre nuance à l’engouement voué aux nanotechnologies a été apportée par les investisseurs : l’important ticket d’entrée sur le marché, étant donné le coûts des usines, constitue un frein pour les investissements dans le secteur.

  1. Les entrepreneurs : parier sur des technologies d’avenir.

Les entrepreneurs présents partageaient une motivation concernant les micro et nanotechnologies : exploiter ces technologies novatrices pour apporter une valeur ajoutée incontestable à des industries aux marchés très larges.

Ansi, Nanoledge, société experte dans les nanotubes de carbone, parie-t-elle sur l’exploitation des propriétés de ces nanotubes (excellente conductivité et résistance cent fois supérieure à celle de l’acier) par les industriels du secteur des écrans plats ou encore dans le domaine de la “smart painting“.

Nanotimes se place en amont du secteur, en fournissant des logiciels de simulation appliqués aux nanosciences. La société vise dans un premier temps la clientèle captive des chercheurs, et pourrait s’étendre par la suite à l’industrie.

Enfin, PHS-MEMS s’est imposé sur un marché désormais bien établi (production de microsystèmes) et s’adresse aux acteurs de secteurs aussi variés que la communication, l’automobile, la médecine, ou le stockage de données.

  1. Des chercheurs conscients des défis techniques posés au secteur.

Pour leur part, les chercheurs ont insisté sur les défis techniques qu’il restait à relever pour assurer des avancées rapides aux technologies du secteur. Particulièrement, si la recherche menée selon une logique “top-down” est plutôt maîtrisée, le contrôle de la matière selon une démarche “bottom-up” n’est pas encore évident.

La table ronde a donc permis d’insister sur les promesses (grâce aux entrepreneurs) mais aussi de souligner les défis financiers (par la voix des investisseurs) et techniques (intervention des chercheurs) caractérisant le secteur.

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